Apprendre à l’école par la démarche de projet.
Philippe Perrenoud, professeur honoraire dans le laboratoire de recherche LIFE : Laboratoire Innovation-Formation-Education de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de Genève a publié en 1999 : « Apprendre à l’école à travers des projets : pourquoi ? comment ? ».
Nous souhaitions partager avec vous dans ce blog certains passages de cet écrit, nos réflexions, nos questionnements sur la réalité actuelle de la pédagogie par projet, et son adaptabilité au monde actuel.
« La démarche de projet a été d’abord l’affaire de certains courants de pédagogie active. Le projet, comme “ l’école du travail ”, le “ texte libre ”, la “ correspondance ” ou la “ classe coopérative ”, s’inscrivaient dans une opposition à une école publique autoritaire, centrée sur l’apprentissage par cœur et l’exercice.
Aujourd’hui, l’école publique est un melting pot de toutes sortes d’idées de moins en moins neuves qui, à l’origine, se sont développées en marge. Dans les pratiques, le mariage entre pédagogies traditionnelles et pédagogies alternatives reste globalement un pâté de cheval et d’alouette, un peu moins déséquilibré à l’école primaire qu’au second degré. Au niveau des intentions et des discours, en revanche, il est difficile de dire aujourd’hui à qui appartient la “ démarche de projet ”. Elle reste, certes, l’une des thèmes forts de certains mouvements pédagogiques, comme le Groupe français d’éducation nouvelle, mais n’importe qui se sent autorisé à se réclamer de la pédagogie du projet sans s’affilier pour autant à un mouvement spécifique. »
Nous ne voulons pas, nous, être en opposition avec l’école publique, mais proposer, grâce en partie à la petitesse de nos effectifs, une prise en charge un peu différente qui permette à tout enfant d’exprimer son potentiel. Nous ne nous sentons effectivement affiliés réellement à aucun mouvement spécifique, mais nous nous reconnaissons dans les piliers de la pédagogie Freinet, et dans l’apprentissage par la réalisation de projets, qui sont effectivement des idées assez anciennes, mais applicables d’après nous totalement à l’éducation des adultes de demain, devant affronter le monde de demain.
Mais qu’est-ce effectivement la démarche de projet ?
« Il est donc difficile de se mettre d’accord sur ce dont on parle. Chaque enseignant a probablement un rapport personnel aux projets, dans la vie et dans la classe. Les uns, coupés de toute culture en pédagogie active, en sont réduits au sens commun et à l’esprit du temps et bricolent à leur usage propre une vision artisanale du projet. D’autres se sentent membres d’un mouvement pédagogique et/ou d’une équipe dans lesquels la pédagogie et les démarches de projet ont une histoire et une signification identifiables. »
« La définition provisoire est empruntée à l’unité d’intégration “ Complexité et gestion de projet ” de la licence mention Enseignement et notamment au cadrage proposé aux étudiants lorsqu’ils sont invités, en collaboration avec un formateur de terrain, à conduite une démarche de projet sur deux semaines, pour approximativement la moitié du temps de classe.
Une démarche de projet :
- est une entreprise collective gérée par le groupe-classe (l’enseignant (e) anime, mais ne décide pas de tout) ;
- s’oriente vers une production concrète (au sens large : texte, journal, spectacle, exposition, maquette, carte, expérience scientifique, danse, chanson, bricolage, création artistique ou artisanale, fête, enquête, sortie, manifestation sportive, rallye, concours, jeu, etc.) ;
- induit un ensemble de tâches dans lesquelles tous les élèves peuvent s’impliquer et jouer un rôle actif, qui peut varier en fonction de leurs moyens et intérêts ;
- suscite l’apprentissages de savoirs et de savoir-faire de gestion de projet (décider, planifier, coordonner, etc.) ;
- favorise en même temps des apprentissages identifiables (au moins après-coup) figurant au programme d’une ou plusieurs disciplines (français, musique, éducation physique, géographie, etc.).
La démarche est volontairement définie par ses modalités plutôt que par sa philosophie, puisqu’en formation initiale une partie du travail d’analyse ex post consiste justement, sur la base d’une expérience, à identifier les raisons de s’engager plus ou moins régulièrement dans de telles démarches à l’école primaire.»
Voici effectivement une définition qui nous convient parfaitement et que nous pourrions appeler de ce fait nos 5 piliers de la pédagogie de projet.
Philippe Perrenoud précise ensuite les différents objectifs que peut viser une telle pédagogie.
« Nous n’entrerons pas ici, toutefois, dans ce qui particularise la démarche de projet selon les champs disciplinaires. Limitons-nous à esquisser des réponses communes, en sachant que leur validité n’est pas égale selon qu’il s’agit de géographie ou d’éducation physique. Admettons également qu’une démarche de projet peut rester essentiellement interne à une discipline, qu’elle peut en concerner plusieurs ou encore viser des apprentissages “ non disciplinaires ”, de l’ordre de la socialisation ou des “ compétences transversales ”
On soutiendra ici qu’une démarche de projet, dans le cadre scolaire, peut viser un ou plusieurs des objectifs suivants :
- Entraîner la mobilisation de savoirs et savoir-faire acquis, construire des compétences.
- Donner à voir des pratiques sociales qui accroissent le sens des savoirs et des apprentissages scolaires.
- Découvrir de nouveaux savoirs, de nouveaux mondes, dans une perspective de sensibilisation ou de “ motivation ”.
- Placer devant des obstacles qui ne peuvent être surmontés qu’au prix de nouveaux apprentissages, à mener hors du projet.
- Provoquer de nouveaux apprentissages dans le cadre même du projet.
- Permettre d’identifier des acquis et des manques dans une perspective d’autoévaluation et d’évaluation-bilan.
- Développer la coopération et l’intelligence collective.
- Aider chaque élève à prendre confiance en soi, renforcer l’identité personnelle et collective à travers une forme d’empowerment, de prise d’un pouvoir d’acteur.
- Développer l’autonomie et la capacité de faire des choix et de les négocier.
- Former à la conception et à la conduite de projets.
A ces objectifs s’ajoutent des bénéfices secondaires :
– impliquer un groupe dans une expérience “ authentique ”, forte et commune, pour y revenir sur un mode réflexif et analytique et y ancrer des savoirs nouveaux ;
– stimuler la pratique réflexive et les interrogations sur les savoirs et les apprentissages.
Reprenons ces dix “ fonctions ” en explicitant ces intitulés et en donnant quelques exemples. »
…
Ces objectifs sont également ceux de la pédagogie Freinet, et ce sont également les nôtres.
Nos enfants doivent « vivre » leur scolarité, la créer, la faire évoluer, se construire, construire leur identité d’apprenant. Ils doivent établir leur positionnement dans le groupe social et dans le milieu classe, s’adapter pour pouvoir s’adapter adulte au monde changeant qui les attend.
Ils doivent être acteurs de leur projet de formation pour pouvoir être plus tard acteurs de leur projet professionnel.
Aujourd’hui, la pédagogie de projet est indispensable, d’après nous, et sous cette forme, dans une pédagogie adaptée.
Philippe Perrenoud reprend ensuite ces dix fonctions à travers des exemples, que nous vous laissons découvrir, si vous le souhaitez, en ouvrant le document joint.