La précocité et la gestion du conflit
Comment réinstaurer le dialogue entre un enfant précoce et l’équipe éducative ?
Définition de « dialogue » du CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales) :
Conversation, discussion, négociation menée avec la volonté commune d’aboutir à une solution acceptable par les deux parties en présence.
Cet définition sous entend la nécessité que les deux parties se comprennent et que la solution trouvée soit effectivement acceptable par les deux parties, en prenant en compte le seuil d’acceptabilité réel de chaque individu.
Or comme on peut le lire dans les nombreux livres et articles sur ce sujet, les hauts potentiels ont le souci du détail et un fonctionnent en arborescence. De ce fait ils ne perçoivent pas nos sous entendus. Ils ont de plus soif de justice et sont extrêmement émotifs, même s’ils ont une très grande capacité à le cacher.
Mais alors qu’est ce que cela donne dans la réalité ?
En fait quand vous posez une question à un enfant précoce, il analyse le sens propre de chaque mot qu’il entend. Nous nous y mettons d’une manière générale et inconsciente tout un ensemble de sous entendus qui sont finalement à peu près les mêmes pour tout le monde, formatés dans la même société, avec le même moyen de pensée. Mais pas eux, surtout jeunes. L’enfant précoce entend chaque mot et pour chaque mot se présentent tellement d’arborescences possibles qu’il en reste au sens premier. Il n’a pas perçu vos sous-entendus et n’a donc pas répondu à votre interrogation réelle, juste à votre question. Vous comprenez sa réponse comme réponse à votre sous entendu et rebondissez sur une nouvelle question pour préciser votre cheminement, alors que l’enfant précoce en est toujours au texte brut, n’a fait aucun cheminement et est alors encore plus loin de votre sous-entendu suivant. Il se creuse un fossé qu’aucun des deux partis ne perçoit. L’enfant précoce subit cette incompréhension, puis l’injustice des situations qui en découlent sans même s’être aperçu de ce qu’il se passait. La solution trouvée est alors rarement acceptable émotionnellement pour l’enfant à haut potentiel.
Activité libre Arts plastiques, sur la pause de midi, dans un collège.
« Vous étiez toutes les deux dans la remise ? sous entendu vous étiez enfermés dans la remise
Oui. Elle était effectivement dans l’espace de la remise avec son amie, venue voir si elle trouvait la ramette de papier car elle ne revenait pas
Tu fumais ?
Non.
Elle fumait ? sous-entendu : forcément l’une au moins fumait puisqu’il y avait une ciguarette allumée
Non.» impossible donc mensonge donc coupable
Effectivement avec une cigarette allumée dans la main de la copine et les réponses de la jeune fille revenant de la remise, il n’y a plus de doute : elles fumaient toutes les deux enfermées dans la remise et se couvrent.
Sauf que la jeune fille, enfant précoce, n’était effectivement pas enfermée avec son amie. De plus son amie avait une cigarette dans la main, mais lui certifiait depuis des semaines qu’elle avait arrêté de fumer. Elle lui a expliqué qu’elle venait de trouver cette cigarette allumée alors qu’elle venait de trouver la ramette et s’apprêtait à revenir. Pour l’enfant à haut potentiel, débordant d’empathie non raisonnée, ça ne peut être que vrai et il faut soutenir l’effort de son amie d’où sa réponse très assurée que son amie ne fumait pas. C’était émotionnellement impossible autrement et c’était pour elle un devoir de la soutenir dans cette réussite. Quel fossé entre le blâme qui est finalement tombé et la joie qu’elle avait d’annoncer que son amie avait réussi à arrêter de fumer. Elle dira par la suite qu’elle n’a rien vu venir, qu’elle n’a pas imaginé ce qui était déduit de ses réponses, surtout que son amie avait forcément expliqué correctement la situation.
Qu’elle peut être alors la souffrance émotionnelle de l’enfant précoce quand il découvre l’avis de comportement pour consommation de cigarettes dans la remise sur son carnet ?
Il faut absolument reformuler vos questions, poser des questions ouvertes. Il faut reformuler les réponses données par l’enfant pour qu’il puisse confirmer que vous continuez la conversation sur les mêmes bases. Il faut appliquer réellement ces règles de communication avec les enfants à haut potentiel.
Il faut soutenir chaque enfant précoce face à l’injustice et au mensonge. Il faut éclaircir toute situation litigieuse, pour lui et pour les autres. La gestion difficile de leur trop plein émotionnel peut dans ce genre de situation avoir des répercussions très importantes, parfois dramatiques (voir notre article sur le burn out de l’enfant).
ggggg
La prise en charge raisonnée et complète de ces conflits, avec l’obtention des véritables faits, des rôles de l’ensemble des intervenants et une discussion positive sur la manière d’en gérer les conséquences, et d’aborder dans le futur une même situation de façon plus responsable doit permetre à chaque acteur du litige de grandir vers son futur rôle d’adulte. Aucun enfant n’a à subir ce genre de situations, les intervenants n’ont pas à vivre avec la culpabilité liée aux conséquences de leurs actes.
Je finirais cet article sur cette pensée :
Si un jour, un enfant précoce répond finalement à votre sous-entendu et pas à votre question, sa vie sociale en sera enfin plus facile. Mais cela sera malheureusement surement parce qu’il est enfin formaté à notre système de pensée. Il faut espérer qu’il n’ait pas alors totalement enfoui le sien, pour mieux contrôler son émotivité et moins souffrir.….
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